Moi c’est Matthieu, éleveur laitier à la Ferme du ValFleury et co-fondateur d’AlterMonts. Récemment j’ai aussi été buveur de thé au lait salé (!!), car je suis parti en Mongolie pour un voyage pas comme les autres avec la FEVEC ET AVSF ! Dans cet article, je vous emmène dans la région de Bayankhongor, aux portes du désert de Gobi où les chèvres à cachemire sont reines et où l’hiver peut frôler le -40°C
La Mongolie : terre de steppes, d’hospitalité… et de défis robustes
Ici, la santé animale ne ressemble pas tout à fait à celle que l’on connaît. On y trouve autant :
– des pratiques ancestrales,
– des restes du système étatique soviétique,
– des tentatives modernes importées récemment,
– et… beaucoup de débrouille.
Le tout sous un climat où 15 à 70 % du troupeau peut disparaître en un hiver. Oui, vous avez bien lu : jusqu’à 70 %, à cause d’épisode climatique extrême : le dzud. Autant dire que les vétérinaires ont intérêt à être réactifs… quand ils sont là, parce qu’ils en manquent beaucoup !
C’est précisément pour cette raison qu’AVSF lance un projet ambitieux : renforcer la filière viande caprine et (ré)inventer l’organisation des services vétérinaires. Avec la FEVEC -dont je fais parti- on s’est dit : « allons leur montrer comment on fait, nous, quand on bosse ensemble ! »
La mission FEVEC : une approche différente
La délégation FEVEC, c’était un peu les Trois Mousquetaires version yourte :
– Olivier, vétérinaire, capable d’expliquer un protocole sanitaire même au milieu d’un
troupeau de yaks.
– Philippe, animateur d’exception, qui a réussi à faire participer des groupes en yourte sans que personne ne s’endorme (exploit).
– Et moi, éleveur, envoyé pour raconter notre façon de travailler… et survivre
aux trajets en 4×4 sur les pistes mongoles.
Notre mission : ouvrir un champ des possibles aux éleveurs et vétérinaires mongols en leur montrant comment nous organisons, en France, un système où tout le monde se parle et agit en même temps grâce à nos groupes d’éleveurs et de vétérinaires en convention. C’est-à-dire, on ne paie pas les soins vétérinaires à l’acte mais on verse une cotisation à l’année. C’est un peu notre sécurité sociale animale.
Moments forts : entre thé au lait salé et échanges passionnants
Le témoignage FEVEC : “Mais… on peut faire ça ?!”
Nous avons commencé nos échanges dans la yourte d’un éleveur pour partager les difficultés et les besoins des éleveurs en santé animale.
Puis nous avons projeté le film de l’AVEM (Association des Vétérinaires et des Eleveurs du Millavois), traduit en mongol, autour d’un thé au lait salé ou d’une vodka de lait.
Silence total dans la yourte.
Puis des sourcils levés.
Puis des questions.
Les éleveurs mongols ont découvert que chez nous, éleveurs et vétérinaires sont partenaires, pas simplement clients et prestataires.
Ça leur a ouvert un horizon nouveau.
La confrontation des cultures : entre yak et Monts du Lyonnais
On ne va pas se mentir : on ne soigne pas un troupeau dans les steppes comme dans les
collines françaises.
Mais malgré de grandes différences de pratiques, on a trouvé des ponts.
Avec beaucoup d’écoute, quelques quiproquos amusants, grâce à nos supers interprètes, des solutions concrètes ont émergé (contrat de gestion collective de la santé animale, éleveur-référent, formations…)
Une troisième voie : ni étatique, ni ultra-libérale
Les Mongols oscillent entre :
– un système très étatisé d’autrefois,
– un modèle libéral que certaines institutions veulent imposer.
Au milieu, nous avons montré qu’une troisième voie est possible : un service vétérinaire collectif, co-construit, mutualisé, adapté au nomadisme.
Personnellement, l’installation en collectif m’est apparu comme une évidence et à chaque week-end de libre, à chaque vacances, à chaque moments passés en famille, je me rends compte de la possibilité de profiter pleinement de ces instants-là. Alors évidemment, tout ne se fait pas tout seul et un collectif ça se construit, ça évolue, ça se fait vivre… Il faut accepter des concessions en contrepartie de ces avantages.
Et maintenant ?
Ce qu’on laisse derrière nous, ce n’est pas juste un rapport de mission. C’est surtout :
– un dialogue relancé entre éleveurs et vétérinaires,
– des envies d’agir,
– une volonté de tester de nouvelles manières de travailler,
– et une dynamique collective qui ne demande qu’à grandir.
Prochaine étape : transformer ces envies en actions concrètes avec les coopératives et AVSF.
Une aventure humaine avant tout
Au-delà des aspects techniques, je garde des souvenirs forts :
Les éleveurs nomades vivent dans des environnements exigeants, mais leur sens de l’accueil, leur résilience et leur connaissance du vivant sont impressionnants. Travailler avec eux, ce n’est pas seulement transmettre : c’est aussi apprendre.
Je me souviens d’un thé partagé dans une yourte secouée par le vent, d’un vétérinaire local expliquant ses tournées hivernales en moto par -30°C, et de ces moments où les cultures se rencontrent et s’enrichissent.
En résumé
On est partis à trois.
On est revenus avec :
– une vision nouvelle,
– des idées plein les poches,
– du sable du Gobi dans les chaussures,
– et la conviction que la coopération n’a pas de frontières.
Crédits photos © Caroline Paymal, Matthieu Gloria, Gilbert et Anne Besson, Jérome Barange, Gautier Mazet
